Lien: Manière de voir 91 — JANVIER - FÉVRIER 2007 Les dossiers de la mondialisation Numéro coordonné par Bernard Cassen
LE MARCHÉ CONTRE L’ETAT
Ignacio Ramonet - Le Monde Diplomatique (Texte modifié - abrégé - par EM pour en faciliter la lecture)
I. Des théories qui tuent
Quand un penseur élabore une théorie d’organisation de la société, il prend le risque qu’on lui en reproche les effets négatifs, voire tragiques. Ces penseurs sont considérés commes les « auteurs intellectuels » du délit, et la justice peut les sanctionner. Cela est arrivé à Marx, qu’on a tenté de rendre responsable du stalinisme, et à Voltaire et Rousseau (Révolution française) qui étaient censés avoir enfanté la Terreur. Les dirigeants de notre monde excellent dans cet exercice de délégitimation des idées émancipatrices qui menacent leurs privilèges. Ce qui est effectivement arrivé de nombreuses fois dans l’histoire.
Mais ce phénomène fonctionne à sens unique. En effet, la plupart des économistes et des financiers, eux, n’ont jamais de comptes à rendre à la société, tout simplement parce qu’ils ne font que modéliser et justifier les pratiques des possédants en leur donnant le statut de « lois naturelles » grâce à un vernis « scientifique » pas toujours mérité. Mais la souffrance causée demeure réelle.
Nulle théorie économique n’a jamais eu d’effets aussi mortifères que celle du libre-échange. C’est en son nom que, au 19e siècle, 1,5 million d’Irlandais ont péri de famine. Et au cours des dernières décennies, elle a conduit des millions de paysans africains à la ruine ou à une émigration dans des conditions tragiques et mortelles. En Asie orientale, lors de la grande crise financière de 1997, le dogme de la liberté de circulation des capitaux a été la cause d’infinies souffrances. Il y a un Livre noir à écrire sur les coûts humains des théories libérales.
II. Les entreprises à l’assaut du monde
A la traditionnelle question : « Qui gouverne ? » (prendre les décisions qui structure la vie des sociétés), un commissaire européen avait un jour répondu, dans un accès de franchise : « Ce sont les marchés », sous-entendu « pas les gouvernements ».
Ces marchés financiers sont des entités anonymes mais ils comptent aussi de très grandes entreprises qui sont bien réelles et dont la gestion de la trésorerie est parfois plus rentable que l’activité de production. Ces entreprises sont désormais « globales », et leur chiffre d’affaires est souvent très supérieur au budget de plusieurs dizaines d’Etats (*). Elles ignorent les frontières, sauf pour jouer un Etat contre un autre en fonction des avantages qu’ils peuvent leur consentir.
(*) La fortune combinée des 225 personnes les plus riches de la Terre DÉPASSE la richesse (PIB) de tous les pays africains réunis. La cause de la pauvreté épidémique n’est donc PAS l’absence de ressources, mais la cupidité (le contraire du partage).
Par leur capacité de pression ou de chantage sur les gouvernements, les transnationales sont devenues les vraies maîtresses du monde. Aucune régulation internationale ne leur est opposable. Et elles se dévorent aussi entre elles par le jeu des fusions-acquisitions qui détruisent des emplois par milliers puisque l’objectif est uniquement de « créer de la valeur » pour les actionnaires en éliminant le maximum de coûts de main-d’œuvre. Ainsi, en 2006, le montant de ces opérations s’est élevé à 2 736 milliards d’euros. Au point que beaucoup de libéraux s’inquiètent de l’avenir d’un capitalisme devenu fou.
III. Des institutions omnipotentes
On pourrait penser que les politiques préconisées par les institutions multilatérales de l’économie(*) seraient le fruit de compromis entre les positions des gouvernements membres. Ce n’est nullement le cas sauf à la limite de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dont la charte ne varie pas, certes, mais les négociations menées dans son cadre opposent les gouvernements entre eux, et peuvent réussir ou échouer selon les concessions qu’ils sont disposés à se consentir mutuellement. (*) Banque mondiale, Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE, Fonds monétaire international - FMI, Commission européenne et la Banque centrale européenne.
Un fil rouge – celui de l’idéologie néolibérale incarnée par le « consensus de Washington » relie efficacement toutes ces institutions. D’où vient que ce mur de pensée bétonnée à l’échelle mondiale apparaisse très difficile à abattre ? (...)
IV. Résistances, espérances
L’étendue des ravages sociaux et écologiques provoqués par la mondialisation néolibérale suscite des résistances : l’altermondialisme (« l’autre mondialisme »). Une étape décisive a été franchie dans des luttes populaires lorsqu’elles se sont donné un cadre de référence partagé, en nommant leur adversaire commun : la domination de la finance globalisée échappant à tout contrôle démocratique. Tel a été le rôle des Forums sociaux mondiaux – de Porto Alegre (2001) à Nairobi (2007) – et de leurs variantes continentales, nationales et locales.
Le premier succès de l’altermondialisme est d’avoir permis des rapprochements entre des mouvements très différents pour faire émerger un lexique mondial identique que chaque organisation incorpore ensuite à son discours interne, créant un effet rhétorique de masse. Mais cet exercice bute encore sur la question du débouché concret de ces actions, donc celle du rapport au politique, au pouvoir.
En revanche, le contre-pouvoir, et la désobéissance civique en particulier, apparaissent comme des leviers privilégiés du changement. La politique n’est plus perçue par essence comme un domaine dans lequel on ne peut que se salir les mains.
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UNE SOLUTION POUR NOTRE PLANÈTE:
LA DÉCROISSANCE SOUTENABLE http://www.simplicitevolontaire.org/abc/abc.htm
La croissance infinie est impossible
sur une planète à caractère fini
(aux ressources limitées).
Le monde est devenu une course folle? Plus de temps, plus d’argent, plus de bonheur? Notre économie de consommation et de croissance sans fin est la principale coupable. Mais elle n’est pas une fatalité.
La voie de la décroissance soutenable dérange et on lui préfère des concepts plus souples comme le "développement durable". Pourtant, il n'existe pas d'autres voies pour les pays riches (20 % de la population planétaire qui consomme 80 % des ressources naturelles) que de réduire leur production et leur consommation, et "décroître".
UNE ÉCONOMIE SAINE NE PEUT VIVRE DE SON SEUL CAPITAL!
Inutile d'être économiste pour comprendre qu'un individu (ou une société) qui tire la majeure partie de ses ressources de son capital-ressources et non de ses revenus, est destiné à la FAILLITE. C'est pourtant le cas des sociétés occidentales qui puisent dans les ressources naturelles communes de la planète sans tenir compte du temps nécessaire à leur renouvellement. En effet les économistes ont éliminé le paramètre «nature» trop contrariant, avec pour résultat que notre modèle économique et social se trouve déconnecté de la réalité physique et fonctionne dans le virtuel.
Les économistes vivent en fait dans le monde religieux du 19e siècle où la nature était considérée comme inépuisable. Le capital naturel pourrait être préservé dans la mesure où nous avons déjà prélevé et transformé une quantité de minerais considérable et la masse d'objets produits constitue déjà un colossal potentiel de matière à recycler. Une économie saine ne devrait donc pas toucher au capital naturel.
L'objectif de l'économie saine n'est pas un horizon utopique: nous avons au maximum 50 ans pour y parvenir si nous voulons sauvegarder l'écosystème. La biosphère ne négocie pas de délais supplémentaires. Il reste, au rythme de consommation actuel, 41 années de réserves prouvées de pétrole (1), 70 années de gaz (2), 55 années d'uranium (3). De plus, il est prévu dans le premier quart du 21e siècle un doublement du parc automobile mondial ainsi qu'un doublement de la consommation énergétique mondiale.
LA DÉCROISSANCE SOUTENABLE, UNE SOLUTION
L'économiste roumain Georgescu-Roegen est le père de la décroissance (4). Il distingue la «haute entropie», énergie non disponible pour l'humanité, de la «basse entropie» énergie disponible. Il démontre que chaque fois que nous entamons notre capital naturel, nous hypothéquons les chances de survie de nos descendants. «Chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d'une baisse du nombre de vies à venir».
Notre défi consiste donc à passer d'une économie fondée sur l'expansion permanente à une civilisation «sobre» dont le modèle économique a intégré la finitude de la planète. Pour cela, les pays riches doivent s'engager dans une réduction drastique de leur production et de leur consommation. Le problème est que nos civilisations modernes, pour ne pas générer de conflits sociaux, ont besoin de cette croissance perpétuelle.
Or, même les riches des pays riches veulent consommer toujours plus et il est très difficile de contrer cette cupidité attisée par des années de conditionnement publicitaire. L'appel à la responsabilité des individus est la priorité, sinon s'imposera encore l'économie de guerre. Le tournant doit s'opérer "par le bas" (les citoyens).
L’EXEMPLE DE L'ÉNERGIE
Plus des 3/4 des ressources énergétiques que nous utilisons aujourd'hui sont d'origines fossiles: gaz, pétrole, uranium, charbon. Ce sont des ressources non-renouvelables. L'économie saine nous impose de cesser ce pillage. Nous devons réserver ces ressources précieuses pour des utilisations vitales. De plus, leur combustion désagrège l'atmosphère (effet de serre et autres pollutions) et entame là aussi notre capital naturel.
Quant au nucléaire, outre le danger que font peser ses installations, il produit des déchets à durée de vie infinie à l'échelle humaine (plutonium 239, demi-vie 24 400 ans, Iode 129, durée de demi-vie 16 millions d'années). Nous n'avons pas à léguer à nos descendants une planète empoisonnée pour la fin des temps.
Par contre, nous aurons droit aux énergies «de revenu», c'est-à-dire le solaire, l'éolien et, en partie, la biomasse (bois) et un peu d'hydraulique. Ces deux dernières ressources devant se partager avec d'autres utilisations que la seule production d'énergie. Cet objectif ne peut être atteint que grâce à une réduction drastique de notre consommation énergétique (ACHETER MOINS DE MACHINS INUTILES = MOINS D'ÉNERGIE CONSOMMÉE PAR L'INDUSTRIE) Notre civilisation serait bouleversée par ce changement de rapport à l'énergie. Il signifierait la fin des grandes surfaces au profit des commerces de proximité et des marchés, la fin des produits manufacturés importés au profit d'objets produits localement, la fin des emballages jetables au profit des contenants réutilisables, la fin de l'agriculture intensive motorisée au profit d'une agriculture paysanne extensive.
NOUS DEVONS DONC IMAGINER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ALTERNATIF S'ARTICULANT SUR TROIS NIVEAUX :
1. Une économie de marché contrôlée évitant tout phénomène de concentration. Ce serait la fin du système de franchise. Tout artisan ou commerçant serait propriétaire de son outil de travail et ne pourrait pas posséder plus. Cette économie de petites entités aurait l'immense mérite de ne pas générer de publicité, une condition essentielle dans la décroissance soutenable et la fin de l'idéologie de consommation conditionnée.
2. Le deuxième niveau, la production d'équipements nécessitant un investissement, aurait des capitaux mixtes privés et publics, contrôlés par le politique.
3. Le troisième niveau concerne les services publics de base non-privatisables (eau, énergie, éducation et culture, transports en commun, santé, sécurité des personnes).
La mise en place d'un tel modèle entraînerait le commerce équitable pour tous : appliquant là où l'on produit les critères humains de là où l'on vend. Cette règle simple à énoncer apporterait la fin de l'esclavage et du néo-colonialisme.
UN DÉFI POUR LES "RICHES"
Cette réalité suscite des réactions négatives chez les bien nantis. Difficile de se remettre en cause lorsque l'on a été élevé au biberon médiatico publicitaire de la société de consommation. Il est difficile pour les Occidentaux d'envisager un autre mode de vie. Mais pourtant 80 % des habitants de la Terre vivent sans automobile, sans réfrigérateur ou sans téléphone et 94 % des humains n'ont jamais pris l'avion.
Nous sommes donc devant l'obligation de délaisser notre logique de pays riches et commencer à raisonner à l'échelle planétaire, envisager l'humanité comme une seule entité indivisible.
AU RÉGIME
Un tiers de la population américaine est obèse. Les Étasuniens se sont donc lancés à la recherche du gène de l'obésité, alors que la bonne solution est simplement d'adopter un meilleur régime. Ce comportement est typique de notre civilisation: plutôt que de remettre en cause notre mode de vie, nous préférons la fuite en avant à la recherche de solutions techniques pour répondre à un problème culturel, ce qui a pour effet d’accélerer le mouvement destructif. Il faut nous libérer de ce conditionnement idéologique fondé sur la croyance aveugle en la science, la nouvauté et la consommation.
La priorité est donc de s'engager à l'échelle individuelle dans la simplicité volontaire. C'est en changeant nous-même que nous transformerons le monde. "Dieu n'a d'autres mains que les nôtres." http://www.simplicitevolontaire.org/abc/abc.htm
Bruno Clémentin et Vincent Cheynet
(1) Statistical Review of World Energy.
(2) Gaz de France
(3) Commission des communautés européennes, 2000.
(4) La décroissance, Nicholas Georgescu-Roegen. Éditions Sang de la Terre.
(5) L'écologiste, n° 2, Hiver 2000, éditorial d'Edwards Goldsmith.
(6) Donnée : Ministère allemand de l'environnement.
Simplicité volontaire
LA FRUGALITÉ (ce que les parvenus appellent agir en "cheap")
Par François Pelletier http://www.simplicitevolontaire.org/abc/frugalite.htm
La simplicité volontaire n'est pas une privation ou un rejet des plaisirs matériels. Elle permet de jouir plus de la vie et avoir le temps pour le faire.
Définition de la frugalité: « Économie dans l'utilisation ou l'acquisition d'argent, de biens et provisions de toutes sortes. La réduction des dépenses inutiles d'argent et de tous les autres biens qui sont utilisés ou consommés. La frugalité implique l'usage mesuré de l'argent et des biens, mais aussi du temps. Elle n'est pas synonyme avec l'avarice. »
Nous passons la majorité de notre temps à gagner, gérer et dépenser l'argent. N'y a-t-il pas une autre voie? Ouvrons nos tiroirs remplis de machins et voyons notre degré d’esclavage!
Avantages de la frugalité: